jeudi 24 mai 2012

La domus.

Domus del Mitreo, Merida - photo Educamus.

                                        Depuis plusieurs mois que je tiens ce blog, je n'ai cessé de répéter que j'étais passionnée par la Rome Antique - ce que, de toute façon, vous auriez fini par remarquer. Tout de même, il convient de préciser que, si j'adore l'histoire (la mention de Sylla, de Néron ou de Constantin suffit à me faire sauter au plafond) et que je m'intéresse aux grands évènements aussi bien qu'aux anecdotes, que si je me plonge avec délice dans la littérature et la philosophie antiques, et que je souhaite toujours en apprendre davantage sur les méandres des institutions et de la politique, il est un point qui ne cesse de me fasciner : la vie quotidienne des Romains. Par exemple, une étrange émotion m'étreint lorsque, au hasard de la visite d'un musée, je découvre une fibule, un peigne, un jouet d'enfant... Imaginer qu'une jeune femme de mon âge, il y a plusieurs siècles, s'est servi du miroir dépoli présenté dans cette vitrine, qu'elle s'y contemplait chaque matin en arrangeant sa coiffure : j'en ai parfois les larmes aux yeux, c'en est presque ridicule ! Au-delà des grands noms, des grandes batailles et des poètes antiques, la vie des anonymes de l'Urbs et des provinces a quelque chose d'étrangement troublant, parce qu'on sort des livres d'Histoire pour toucher à l'humain, à tous ces hommes et toutes ces femmes dont le nom n'est pas parvenu jusqu'à nous mais qui ont contribué à faire la grandeur de Rome, à la façonner. J'aurai l'occasion d'aborder petit à petit une multitude de sujets touchant à la vie de tous les jours, tant celles des nobles que du peuple. Mais pour commencer, j'ai décidé de parler de la domus. Cela paraît logique : après tout, c'est bien entre les quatre murs qui nous servent de maison, témoins de notre quotidien, que se déroule la plus grande partie de notre existence !  


Pièce romaine - cabane de Romulus.
Dans la péninsule, l'habitation primitive italique avait la forme d'une hutte ronde en torchis, surmontée d'un toit conique en branches recouvertes de chaume. C'est ainsi que la légende présente la cabane occupée par Romulus, sur le Palatin. A Rome, certains temples, comme celui de Vesta, reproduisent d'ailleurs cette forme. Au fil du temps, l'accroissement de la population, l'urbanisation grandissante associées à l'enrichissement de toute une classe sociale supérieure, ont conduit à une diversification de l'habitat : d'un côté, la domus pour les plus aisés (à ne pas confondre avec la villa, habitation rurale à l'origine, devenue ensuite résidence de villégiature) et les insulae pour les plus pauvres.


Insula - maquette de Sebastia Giralt.

En effet, la population la plus modeste, à Rome comme dans le reste des grandes villes italiennes, n'habitaient pas dans une domus. A partir du IIème siècle avant J.C., les citadins les plus pauvres louaient généralement des appartement dans des constructions de quatre ou cinq étages (des immeubles appelés insulae). Les familles nombreuses s'y entassent, sur de petites surfaces ouvrant directement sur le bruit et l'agitation de la rue. Le plus souvent en bois, sans accès à l'eau, surpeuplés, ces bâtiments sont fréquemment la proie des incendies.  Cependant la majorité des gens, même issus de la classe moyenne et y compris dans les petites villes de province, possédaient leur propre maison. 

                                        Comme dans de nombreux domaines, les Romains se sont inspirés des Étrusques, dont les maisons, rectangulaires, possédaient un toit incliné vers l'intérieur et percé d'un trou carré, de façon à recueillir l'eau de pluie dans un bassin intérieur. Jusqu'à la deuxième guerre punique, l'habitat romain reprend peu ou prou cette configuration. Ainsi, également de forme rectangulaire, complètement tournée vers l'intérieur, la domus ne possède aucune fenêtre sur la rue - exceptée la porte, les rares ouvertures donnent sur les espaces intérieurs, et la lumière provient de l'ouverture du toit ou du jardin situé à l'arrière de la maison. Un vestibule conduit vers une pièce au plafond ouvert, l'atrium, cœur du foyer, au centre duquel se déversent, dans un bassin creusé dans le sol (l'impluvium), les eaux de pluie.


Atrium - photo Richard White.


Impluvium - photo Richard White.

                                           De petites pièces blanchies à la chaux, aux fonctions diverses, entourent l'ensemble. Derrière l'atrium s'ajoute un jardin (hortus), accentuant l'impression de fraîcheur et permettant la circulation de l'air et de la lumière. Il s'agit donc d'une demeure de plain-pied, et l'atrium, à cette époque, sert à tous les usages : cuisine, sanctuaire, salle à manger, salon de réception, bureau, etc. On y trouve le foyer et l'autel des Dieux domestiques (le laraire), et au fond, face à l'entrée, le lit conjugal. Toutefois, il n'a qu'un rôle symbolique, le couple occupant une autre chambre. Dans la plupart des cas, spartiate et purement fonctionnelle, l'habitation ne compte pratiquement aucun meuble, les murs sont nus et le sol est pavé de cailloux ou d'argile.


La domus républicaine - source : Richard Sennett.


                                           Aux alentours du IIème siècle, la demeure s'étend : le bureau du maître de la domus (tablinium) fait son apparition, séparé de l'atrium par des rideaux ou des panneaux de bois. Il est bientôt flanqué de deux annexes latérales (alae) où sont peut-être exposés les tableaux généalogiques et les imagines (bustes des ancêtres). De même, parmi les pièces supplémentaires, on trouve désormais une ou plusieurs salles à manger (triclinium) et une chambre à coucher (cubicula) parfois précédée d'une petite antichambre où dormait un esclave (procoeton).

Carnuntum, reconstitution de la chambre à coucher - photo Reinhold Behringer.

                                            L'atrium, désormais nettement séparé des autres pièces, s'ouvre parfois sur un étage, permettant d'accéder à d'autres chambres. La maison elle-même comporte désormais deux parties distinctes : en contrepoint à l'atrium et aux pièces disposées tout autour, l'hortus se développe pour devenir le péristyle. Petite remarque amusante : alors que les pièces situées à l'avant de la domus ont un nom latin (comme l'atrium), celles aménagées au fond (comme le péristyle) portent des appellations d'origine grecque - ce qui montre bien la façon dont les riches romains ont, petit à petit, imité les mœurs grecques, réputées plus raffinées... Des colonnes de marbre supportant le toit entourent le jardin, décorés de statues et de fontaines et où sont fréquemment plantées des roses, des violettes et du lilas. Les jours d'été, la famille peut y prendre ses repas. Certaines sections de la domus sont parfois doublées - la maison du Faune à Pompéi comprenant par exemple deux atriums, deux péristyles, quatre tricliniums.


Péristyle - photo Flickr moacirpdsp.




Hypocauste - photo Flickr EmPemm.
La maison, plus spacieuse, devient aussi plus confortable. Reliée à l'eau courante, elle est désormais munie de toilettes (latrinae), qui donnent sur la chaussée et sont souvent semi-publiques (les passants payent pour les utiliser), et parfois même de thermes privés, dans les demeures les plus riches. De même, certaines maisons ont le chauffage central - c'est l'hypocauste, système de canalisations passant sous le sol, et permettant d'atteindre des températures de 30°C ! Dans le Nord de l'Italie et dans les provinces les plus septentrionales de l'Empire, des techniques ingénieuses permettent également à l'air chaud de circuler dans les murs. Cependant, la grande majorité des Romains se chauffent avec des poêles ou des braseros. Les meubles, autrefois faits de bois grossier, sont maintenant fabriqués dans des matériaux rares et précieux (bronze, marbre, argent...). Ils restent cependant peu nombreux, se limitant aux lits, tables, coffres et chaises. On apporte également plus de soin à la décoration, avec des murs ornés de fresques, des sols recouverts de mosaïques en adéquation avec l'usage auquel est destinée la pièce, des plafonds lambrissés, etc.


Taberna - photo Sebastia Giralt.
Par ailleurs, si la porte demeure toujours la seule ouverture de la domus romaine sur la rue, elle est désormais souvent attenante à une ou plusieurs pièces, percées d'une large baie aux volets en bois, donnant directement sur la rue, et fermées par un comptoir à mi-hauteur : ce sont des boutiques (tabernae), que le propriétaire peut faire exploiter par un esclave en son nom ou louer, à ses clients par exemple. Dans le premier cas, elle sera reliée à la partie privative de la domus, et indépendante dans le second.






En guise de conclusion, je vous propose une vidéo, trouvée sur le site : www.ancientvine.com, qui vous invite à une visite en 3D d'une domus romaine. Moi, en tous cas, je m'y crois !


2 commentaires:

Anonyme a dit…

Merci, cela m'a beaucoup servi!! (Pour un exposé de Latin)Et c'est intérréssant!! :)

FL a dit…

Tant mieux, ça me fait plaisir ! Et merci pour le commentaire... N'hésitez pas à me dire quelle note vous aurez eue - ça m'intéresse :-) !